Expositions
28 juil. 2016"La cascade silencieuse" est une installation qui occupe l’escalier de style renaissance de la Maison Quarrée. Des drapés de dentelles sont suspendus dans la cage d’escalier et accrochées à la balustrade, teintes avec des pigments couleur oxyde de cuivre. Dans un registre imaginaire et entièrement bleu, cette cascade verticale descend de façon fluide et muette jusqu’au sol en reliant les étages. L’ensemble est un récit, d’un côté celui de la matière et du geste, de l’autre celui d’habiter un lieu. C’est une installation que s’invite dans un espace privé, une nature onirique qu’envahit un espace habité.
Lorsque Esperluette m’a proposé d’exposer dans ses vitrines, tout suite j’ai pensé à la notion d’enfermement, des cages, des natures domestiquées. "Jardin urbain", c’est une installation de cabanes, fabriquées avec des cagettes de fruits en bois et carton, habitées par quelques pièces de céramique. Elles symbolisent nos maisons et plus exactement les jardins à l’intérieur de nos maisons. Des microcosmes maîtrisés, des espaces verts, des jardins intimes et ordonnés qui posent la question de la place de la nature dans l’espace urbain et qui prolongent le jardin (le dehors) à l’intérieur de l’habitation (le dedans). J’ai cherché à mettre en scène cet enfermement à l’intérieur de l’espace déjà clos des devantures d’Esperluette. Comme dans toute installation "in situ", le lieu fait partie intégrante de l’œuvre, il en est le support. Et ici, la juxtaposition des espaces, l’espace physique et artistique, s’enchevêtrent et la mise en abyme de l’installation prolonge l’œuvre.
"Fragments de rêves" est la rencontre entre deux artistes et de leurs univers, une invitation à songer,
à s’égarer dans un jardin imaginaire avec des personnages qui luttent contre l’isolement et l’enfermement.
De même que les plantes poussent là où on ne les invite pas, au milieu d’une nature menacée, tous ses
êtres vivants essayent de s’adapter et nous touchent par leur fragilité.
Confiante en sa beauté
C’est dans la présence brute d’un tas de gravats dans la salle d’exposition que s’exprime sans doute le mieux le projet de Sonia Serrano. Des déchets de l’urbanité, des débris concassés où l’on voit ici et là le fossile d’un conduit électrique en PVC, un fragment de faïence, un fragment du béton qui mure nos vies ; de tout cela émerge la présence ténue de plantes têtues. Dont l’existence au milieu du bitume et du béton, nous rappelle que la Nature est toujours cette force active qui a établi l’univers et qui en maintient l’ordre.
Les interstices où elle glisse tiges et troncs sont autant de cicatrices dans nos univers urbains où la disjonction voudrait s’imposer comme une norme. C’est sans compter sur la vigueur patiente de ce qui croît, s’insinue, persiste et impose sa présence dans les lieux abandonnés de nos villes.
Silencieusement, la Nature est partout ; jusqu’à entrer dans nos maisons : plantes vertes avec lesquelles nous nouons une relation suivie et arrosée, mais aussi motifs végétaux sur nos rideaux, nappes, dentelles.
Ainsi, dans sa propre temporalité, nous sommes habités par la Nature jusque dans les plis les plus intimes de notre façon d’être au monde. Nos univers urbains se prêtent à ces enchevêtrements : arbres et plantes poussent là où on ne les invite pas. S’adaptent aux contraintes et élaborent des architectures insensées.
L’atelier de Sonia Serrano se trouve dans un grand jardin avec lequel elle tisse un dialogue complice. Le jardin s’invite dans l’atelier ; l’atelier s’évade dans le jardin croisant les empreintes furtives d’animaux. Les a-t-on vraiment vus ? Ou imaginés ? Dans cette incertitude et de cette invitation à regarder les ombres mouvantes, le travail de Sonia Serrano trouve sa force et son écriture. Tout comme la plante avance délicatement ses racines dans les milieux les plus hostiles. Sans bruit et sans ostentation, mais confiante en sa beauté.
Guillaume Lebaudy
(Ethnologue, docteur en anthropologie sociale).
"Rêve d'été", 2012. Galerie Place à l'Art, Voiron /Tente nomade, 2012/ "Toile d'araignée" jARTdins, 2011 / "Relations d'incertitude", 2011. Ancien Musée de peinture, Grenoble / Projection video, 2010. Espace de La Tour, La Buisse (Isère) / "Rencontres fortuites" 6ème FONT'ART, 2009. Moulin des Acacias, Fontanil / "Les Chemins du Dialogue", 2008. Town Hall, Oxford / "Taille Mannequins", 2007. Maison Rey, Fontanil / "Voix d'Estampes", 2006. Centre des Arts de Meylan / "Font'Art, 2005". Moulin des Acacias, Fontanil